Mieux vaut l'arbitraire d'un garde des sceaux que celui du conseil supérieur de la magistrature (tribune)

Mieux vaut l'arbitraire d'un garde des sceaux que celui du conseil supérieur de la magistrature (tribune)

Une réflexion sur la problématique de la gestion du pouvoir judiciaire: cas du conflit des compétences née entre le conseil supérieur de la magistrature et le ministre de la justice en RDC.

D'entrée de jeux, il sied de rappeler que, Pierre Henri Teitgen, disait :" Mieux vaut l'arbitraire d'un garde des sceaux qui passe que celui d'un Conseil Supérieur de la Magistrature qui demeure". Une réflexion qui semble rappeler au Conseil Supérieur de la Magistrature le rôle crucial qui doit jouer dans la gestion du pouvoir judiciaire en vu de l'instauration d'un État de Droit, plus particulièrement l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans plusieurs pays à tradition démocratique comme par exemple le nôtre, la Constitution confère à un organe constitutionnel et indépendant le rôle de la gestion du pouvoir judiciaire. Or, en droit, gérer le domaine judiciaire relève de la fonction administrative qui se distingue alors de la fonction judiciaire, qui consiste à dire le droit ou rendre justice. En RDC, ces attributions sont confiées en principe au Conseil Supérieur de la Magistrature. Dans le domaine de la justice, nous retrouvons d'une part le personnel de la justice composé d'une part des magistrats et d'autre part des fonctionnaires affectés dans les différents services judiciaires. 

Dans les prochaines lignes, nous allons épiloguer là dessus. Ainsi, la gestion du pouvoir judiciaire est-elle aussi l'apanage du Ministre ayant la Justice et Garde Sceaux dans ses attributions ? Si tel est le cas, que serait alors la raison d'être du Conseil Supérieur de la Magistrature ? Que disent la Constitution et tant d'autres lois relatives en la Matière ? Le Ministre de la Justice exerce t-il le pouvoir hiérarchique sur les magistrats au point même de les sanctionner ? 

En effet, aux termes de l'article 152 alinéa 1,2, 3, 4 et 5 de la constitution du 18 février 2006, le C.S.M a pour attributions : 

- Elaborer les propositions de nomination, promotion, mise en la retraite, révocation, démission et réhabilitation des magistrats;

- Exercer le pouvoir disciplinaire sur les Magistrats ;

- Donner les avis en matière de recours en grâce ;

- Décider de la rotation des juges sans préjudice de l'innamovibilité, conformément à l'article 150 de la constitution ;

- Désigner conformément à l'article 158 de la constitution, trois membres de la Cour Constitutionnelle ;

- Gérer la gestion technique du personnel judiciaire non magistrat mis à sa disposition, il procède à son évaluation et fait Rapport au Gouvernement ;

- Élaborer le Budget du pouvoir judiciaire.

Nulle part, dans les dispositions constitutionnelles sus-evoquées, on attribue au ministre de la justice un quelconque pouvoir de gérer et d'exercer les sanctions disciplinaires sur les magistrats. Mais d'où viennent toutes ces interférences de l'exécutif par le truchement du ministre de la Justice dans le domaine judiciaire ? Puisque si même nous faisons recours à la théorie des séparations des pouvoirs telle que développée par Charles Montesquieu, le ministre de la Justice fait partie intégrante du pouvoir exécutif et non du pouvoir judiciaire. Mais on s'étonne de la forte implication de l'exécutif dans les affaires du pouvoir judiciaire ! Les sanctions que doit exercer ce dernier, c'est sur les magistrats du siège ou ceux du parquet ? L'on questionne par ailleurs dès lorsque sur le fait de savoir, si les magistrats du parquet continuent à faire partie du pouvoir judiciaire, le quel est désormais dévolu exclusivement aux Cours et Tribunaux sous la gestion du C.S.M ? À la lumière de toutes nos questions problématiques, nous précisons que le législateur semble expliquer cette situation en affirmant que l'amendement introduit en 2011 à l'article 149 de la constitution consiste en la suppression des parquets dans l'ordre du pouvoir judiciaire.Celui-ci est dévolu aux seuls Cours et Tribunaux. Cette modification remet t-elle l'harmonie entre l'article 149 et les articles 150 et 1521 qui proclament l'indépendance du seul magistrat du siège dans sa mission de dire le droit et de son innamovibilité. Or, dans les parquets, nous avons aussi des magistrats constituant un corps appelé " Ministère Public". Alors que la question pertinente serait encore de celle de savoir, le Ministère Public ou les Magistrats du Parquet, ce sont eux qui sont soumis à la subordination hiérarchique du Ministre de la Justice, membre du pouvoir exécutif ? Ces Magistrats échappent-ils au contrôle du Conseil Supérieur de la Magistrature ? Nous rappelons par ailleurs que, tous les magistrats qu'ils soient du parquet ou du siège ( juges), sont soumis au même statut des magistrats organisé par la loi organique du 10 octobre 2006. Mais l'observation sinon attentive à l'article 149 de la constitution montre le Parquet ne fait plus parti du pouvoir judiciaire ; nous pouvons donc par conséquence penser que les magistrats du parquet font partie de l'exécutif, dépendent du Ministre de la Justice.Ceci ne ressort-il pas de l'article 70 de la loi organique n' 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre judiciaire qui porte ce qui suit : " Les officiers du Ministère Public sont placés sous l'autorité du Ministre ayant la Justice dans ses attributions. Celui-ci dispose d'un pouvoir d'injonction sur le Parquet. Il l'exerce en saisissant le Procureur Général près la Cour de Cassation ou le Procureur Général près la Cour d'Appel selon le cas sans avoir à interférer dans la conduite de l'action publique ". En analysant, cette disposition, nulle part la loi attribue au ministre de la Justice le pouvoir disciplinaire même sur un magistrat du Parquet à part le pouvoir d'injonction. Il faut préciser que, conformément aux articles 2, 20, 21, 24 et 25 de la loi organique du 05 Août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, seul le CSM à travers sa chambre nationale et ses chambres provinciales a le pouvoir d'exercer les sanctions disciplinaires sur les magistrats pour tout manquement par ces derniers aux devoirs de son état, à l'honneur ou à la dignité de ses fonctions. Ceci concerne les Magistrats du siège et ceux du Parquet. Ce n'est pas de la compétence du Ministre de l'exécutif de les sanctionner ni même du Procureur Général près la Cour de Cassation lui seul. En droit administratif, il est de principe, la compétence est d'attribution, elle est une exception de la règle de l'incompétence. 

En guise de conclusion, il faut signaler qu'à ce jour, seuls les magistrats du parquet font partie à la fois du pouvoir judiciaire et du pouvoir judiciaire, car placés sous le contrôle du Ministre ayant la Justice dans ses attributions. Ceci traduit leur nature hybride étant donné que d'une part, ils sont Magistrats et d'autre part, ils dépendent de l'exécutif. Nous précisons que quoi que cela, ils restent Magistrats car Régis par leurs propres statuts d'une part, et d'autres part par principe de la légalité des délits et des peines sans oublier celui de l'opportunité des poursuites. Sans l'hypocrisie, nous devons dire que cette disposition est claire , car elle limite de façon limpide le Ministre de la Justice dans son pouvoir d'injonction qui doit se comprendre dans les droits d'ordonner les poursuites, d'impulsion et le regard comme le dit le Professeur Luzolo Bambi lessa. Il n'a aucun pouvoir disciplinaire sur les magistrats. Lire l'ordonnance de 2022 sur les attributions des membres du gouvernement. Aucune disposition donne compétence au Ministre de la Justice de suspendre, blâmer et voire de proposer la révocation d'un magistrat. C'est la compétence du Conseil Supérieur de la Magistrature. Autres critiques pour chuter, en 2003, la Commission européenne sous la conduite de l'éminent Professeur de Droit, MVIOKI BABUTANA, a permis de démontrer que les cours et tribunaux, les offices et les prisons ne reçoivent ni Budget de fonctionnement, ni Budget d'investissement. Et pourtant, chaque année, le Ministre de la Justice prépare et soumet à la Commission budgétaire les prévisions budgétaires du secteur de la Justice. Cette manière de faire des choses a réduit sur le plan judiciaire le caractère indépendant du pouvoir judiciaire à un simple service Ministère de la Justice. Chose qui n'est plus le cas avec l'avènement de la Constitution de 2006, qui confère totalement la gestion budgétaire du pouvoir judiciaire au Conseil supérieur de la magistrature par le biais du premier président de la Cour de Cassation qui en est l'ordonnateur. Désormais, le ministre de la justice ne peut même proposer comme jadis les prévisions budgétaires du secteur de la justice. Celle-ci sont élaborées sous la responsabilité respective du président de la Cour Constitutionnelle, du mremier président de la Cour de Cassation, du premier président du conseil d'Etat, du premier président de la Haute cour militaire. Ensuite, ces prévisions sont transmises au Bureau du CSM dans un projet global budgétaire du pouvoir judiciaire et transmis au gouvernement. Toutefois, en matière des réformes du secteur de la justice, un cadre de concertation et de collaboration peut intervenir sur certaines matières entre le ministre de la justice et le conseil supérieur de la magistrature par l'entreprise du président de la Cour constitutionnelle, président du CSM dans le respect des attributions de chacun. 

Voilà en résumé, notre contribution scientifique pour éclairer l'opinion publique autour de l'actualité.

Tribune de Glody Zima, juriste publiciste, chercheur en droit, écrivain, consultant juridique, analyste politique, maître de cérémonie et influenceur des médias sociaux et audiovisuels.